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Situation économique

Il est incontestable que l'économie constitue le reflet de la puissance et de la vulnérabilité d'un pays, en ce sens que la force d’un Etat réside dans son tissu économique. En réalité, les marchés algériens ont été connus pour la multitude de leurs produits et la dynamique de leurs échanges, comme en témoignait le trafic des navires commerciaux au niveau du port d'Alger. La nature des marchandises échangées traduisait le pouvoir d'achat ô combien important des Algériens.

Toutefois, durant la dernière période pré-occupation, l'économie algérienne a perdu de son poids, après avoir été systématiquement détruite par l’occupant français, en vue d’affaiblir ses richesses.

  • Situations agricole et commerciale : 

La dernière période du règne des Deys a été marquée par un rendement agricole timide, les impôts ayant constitué la principale source de revenus de l’Etat. Une telle situation a obstrué le processus du développement, notamment après la récession du butin maritime. 

En dépit des difficultés rencontrées, les fonctionnaires et les janissaires se sont employés à maintenir le flux de trésorerie et la stabilité des prix, ou encore à garantir la production et la disponibilité des marchandises, l’objectif étant de préserver le pouvoir d'achat, et poursuivre leurs activités, particulièrement dans les villes où les transactions étaient encore foisonnantes.

Cette situation propice ne pouvant pas être maintenue durant longtemps, le XVIIIe siècle a connu des perturbations internes d'ordre politique, économique et d’autres extérieures, en lien avec les bâtiments de mer. Des perturbations qui, en fait, ont impacté négativement le mode de vie à l’époque, mais également les revenus et les dépenses.

Quant à la situation commerciale, deux types de commerce, intérieur et extérieur, existaient en Algérie :

  • Le commerce intérieur était principalement l'affaire des autochtones, avec la participation des Juifs qui offraient leurs services à la population locale et qui assuraient le transport des marchandises jusqu'au Sud, si nécessaire. Les Juifs étaient, donc, perçus tels des marchands ambulants.

  • Le commerce extérieur était essentiellement l'affaire des étrangers, notamment les Juifs. Afin de couvrir le déficit, l'Algérie se tourna vers les échanges commerciaux avec les pays subsahariens. Les caravanes se mettaient en route en direction du sud-ouest, parcourant des mois durant un parcours périlleux parsemé d'obstacles ; entre autres, les coupeurs de route et le manque d’eau. 

La situation était encore plus envenimée en raison de l’insécurité à l’intérieur de la Régence, sur les routes commerciales, dues notamment aux révoltes internes telles que la révolte de Abdallah Cherif, dit Bel-Ahrech en 1218 H/1803, et la révolte de Abdelkader Cherif Darkawi en 1220 H/1805, menées contre le Beylik et les tribus Makhzen pour l’imposition exagérée et la hausse des prix expliquée par la détérioration des terres, d’abord en raison des locustes, puis, par la propagation de la peste en 1816.

Outre le rôle crucial joué par le système financier représenté par le Trésor, les établissements religieux, telles que les mosquées, assuraient des services publics comme les routes, l'eau, l'éducation et les lieux de culte, à la faveur d’une structure financière indépendante fondée sur une répartition périodique des ressources. Les agents de l’établissement des Habous des notables avaient pour objectif de promouvoir la communion sociale.

Le Trésor de la Régence dépendait de la fiscalité et de l’organisation foncière, lesquels concouraient à verser les salaires des fonctionnaires et des classes militaires, à l’instar des caïds et des Spahis. C’est dire que la fiscalité conférait au pouvoir une présence matérielle et son recouvrement témoignait de la soumission des tribus au pouvoir, à son influence, ainsi qu’à la bonne gestion. 

  • Dans quelle mesure était mené le recouvrement fiscal à la lumière des règlements administratifs, des préceptes de l’Islam et des us prévalant à l’époque ? 

  • 1- Fiscalité : les taxes sont prélevées sur les ressources financières du Beylik et distribuées aux fonctionnaires et aux Janissaires, leurs nature et valeur étaient variables. 

  • 1-1 Taxes légales ordinaires : instituées par la religion, ces taxes, appelées notamment la Zakat, étaient imposées sur les terres privées, et concernaient les produits agricoles et animaliers. Elles étaient réglées en espèces ou en nature, représentant  un dixième (

  • 110) de la valeur de la terre et de ses produits.

  • La tâche du recouvrement de la zakat était assurée par le « Caïd des dixièmes » (Caïd al-Ochour) au niveau du Beylik, lequel établissait également des rapports d'inspection des récoltes conformément aux conclusions des Cheikhs de tribus arabes sur le taux de production. La zakat (o Ochour) était dépensée à plus d’un titre. Hamdan Khodja avait dit, à ce propos, « est perçu un dixième de la production des terres, et est versée au Trésor pour régler les salaires des soldats, prendre en charge les pauvres, élever les orphelins et payer les juges et les enseignants ».

  • 1-2 Taxes supplémentaires : une autre taxe était imposée sur les terres exploitées par les tribus autonomes et rejetant tout service dans le périmètre du Beylik. Cette taxe, appelée « la çift-taxe », était versée en nature ou en espèces, également connue sous l’appellation Taxe des paysans.

  • Les autres tribus qui refusaient d’être assujetties à cette taxe, une pénalité leur était imposée, tandis qu’une taxe obligatoire dite « Khetiya » était appliquée aux tribus rebelles au titre d'obéissance au Dey.

  • 1-3 Taxes conjoncturelles : d’autres taxes étaient imposées lors des distinctions et des promotions. Elles étaient versées par les caïds et les chefs de tribus après leur nomination, et faisaient office de cadeaux offerts pour les officiers Agha arabes, les agents de la fiscalité et les Beys.

  • 2- Lois de la propriété : la féodalité agricole janissaire ottomane et les symboles tribaux avaient contribué à l’orientation de l’économie de la Régence, et influé sur la hiérarchie financière, sociale, ainsi que sur les niveaux de revenu et de richesse des fonctionnaires et des janissaires.

  • 2-1 Propriété générale : il s’agit de terres exploitées par les tribus Makhzen pro-pouvoir central ottoman, Dar Es-Sultan et le Beylicat, lesquelles s’étaient installées et avaient exercé leur activité en contrepartie de redevances issues de la dîme et du Hakour. 

2-2 Propriété privée : il s’agit de biens agricoles exploités par leurs propriétaires ou des bénéficiaires dans le cadre du système de Concession ou d’engagement envers les propres investisseurs moyennant la location, une fois ces terres étaient à l’abandon. Elles étaient exploitées par le Beylicat et considérées légales une fois inclues dans le Bayt al-mâl en l’absence des héritiers légaux. 

  • 2-3 Terres Habous et Waqf : des terres d’intérêt général destinées à réaliser des œuvres caritatives, étaient déclinées en : 

  • A- Terres Habous au titre des deux Lieux Saints (La Mecque et Médine) : avec pour objectif de prendre en charge les dépenses d'entretien, les salaires des fonctionnaires et, parfois même, libérer les musulmans détenus.

  • B- Terres Habous au titre des Marabouts : dédiées à couvrir leurs dépenses projets pédagogiques.

  • C- Terres Habous au titre des mosquées Hanafites et Malikites : consacrées à verser les salaires des Imams et des récitateurs du Coran.

  • D- Terres Habous au titre des Andalous : destinées à prêter des aides en nature et en espèces aux pauvres parmi les Andalous et améliorer leur situation. 

  • E- Terres Habous au titre des janissaires : offertes aux janissaires indigents afin d’améliorer leur situation, et entretenir quelques casernes et structures sociales publiques. 

3- Prix et pouvoir d'achat : En dépit des risques naturels, des épidémies et des menaces militaires maritimes européennes qui ont attenté au commerce intérieur et extérieur, les défis relevés par les producteurs agricoles et industriels ont eu des répercussions positives sur la disponibilité et l'échange des produits, ainsi que sur la stabilité des prix sur les marchés urbains et ruraux.

Les fonctionnaires et les janissaires ont également cherché à maintenir le pouvoir d'achat et à réaliser l’équilibre de la consommation alimentaire, en fournissant notamment des vêtements et des moyens militaires. Ils ont également œuvré à atteindre un niveau d'épargne et de richesse optimal.





  • Situation industrielle :

Les artisans se regroupaient dans certains quartiers et s’organisaient en organismes supervisés par des Secrétaires ou des instances d’ordre administratif et réglementaire, avec comme objectif la promotion des métiers, la lutte contre la fraude et le contrôle des prix de marchandises sur les marchés urbains.

C’est ainsi que sont apparues des villes artisanales et commerciales à l’instar de Tlemcen, connue pour l’industrie de la laine et des couvertures, Mostaganem, pour les tapis, et Constantine, pour les textiles, cuirs et mobiliers, hérités des Andalous, chevronnés en la matière, quand bien même étaient rares les matières premières.

L'industrie s'est également développée dans les tribus de Beni Abbes et Beni Flissa, connus pour la fabrication de fusils locaux, d'épées et de pièces de monnaie contrefaites, imitant les pièces algéro-ottomanes et espagnoles, les plus courantes à l’époque sur les marchés.