Médias pendant la révolution algérienne
1– Le statut des médias avant la révolution
Lorsque la révolution armée a éclaté au début du mois de Novembre 1954, la situation médiatique en Algérie était contrôlée par la presse coloniale française quotidienne. La presse nationale, conte à elle, se composait d'hebdomadaires appartenant aux partis politiques qui existaient à l'époque ou aux associations religieuses :
- Le journal « La République algérienne » : Il a été créé par Farhat Abbas en Mars 1946. Il a servi à mettre en lumière les revendications du parti.
-Journal « Al-Bassair » (Les Visions) : Il était considéré comme le porte-parole de l'association des savants islamiques algériens, qui était le quatrième journal, après la perturbation de « Al-suna », « Al-Chariaa », « Al-sirat ». Sa première édition est sortie le 27 Décembre 1935.
- « Al-Djazair Horra » (L’Algerie Libre) : Un journal publié par le parti du mouvement des libertés du triomphe démocratique. D'abord bimensuel, puis hebdomadaire, il paraît en français d'août 1949 à novembre 1954. En août 1954, au moment de la dissidence du mouvement, les Massalistes se sont appropriés le journal, quant aux centralistes, ils ont pris le journal "Al Oumma Al Djazairia". (La Nation Algérienne).
- « Al-Manar » (Le Phare) : Un journal bimestriel, qui semblait indépendant de l'extérieur, mais il appartenait au parti du mouvement des libertés du triomphe démocratique. Il a été publié à partir de mars 1951, jusqu'en novembre 1953. Il a ensuite obtenu son indépendance du parti puis a été suspendu.
- Journal « Algérie Républicaine » : Il était édité par le parti communiste algérien, d'abord hebdomadaire, puis quotidien, jusqu'à ce que les autorités coloniales le confisquent en 1957 après l'adhésion de certains membres du parti à la révolution.
- Le journal du comité révolutionnaire « Le Patriote » : Il est paru après l'annonce de la création du comité révolutionnaire d'union et de travail, pour ensuite être distribué à tous les responsables de la propagande et des médias dans les divisions du parti. De nombreux militants de premier plan ont participé à l'édition de ses sujets, dont : « Larbi Ben M'hidi » et « Didouche Mourad ». Seulement six éditions ont été publiées, et la dernière date du 5 juillet 1954.
2– La politique médiatique de la révolution algérienne
La révolution avait besoin de médias révolutionnaires qui contribuaient à la libération de la France. Ses tâches consistaient à :
Être un point focal entre la révolution et le peuple, et divulguer la réalité sur le conflit armé avec la colonisation française.
Mobiliser les masses populaires, afin d'encercler la révolution et de la soutenir financièrement et moralement en visant la libération et l'indépendance.
Isoler le peuple algérien des médias français, et de ses guerres psychologiques et idéologiques.
Porter l'image de la révolution au monde extérieur qui peut être divisé en deux fronts : un front extérieur en France pour gagner l'opinion publique française, et un front mondial pour gagner l'opinion publique mondiale.
Faire face aux médias de l'ennemi, lui répondre et réfuter ses propagandes.
2.1.Les tracts comme premier outil média :
Au début des attentats de novembre 1954, le Front de Libération Nationale ne disposait pas d'outil médiatique propre, donc son activisme médiatique a commencé par des tracts notamment la diffusion d’un dépliant la veille du premier novembre sachant que deux dépliants avaient été publiés auparavant en français. Le premier était un papier sur l'Armée de Libération Nationale. Il était court, simple et fortement diffusé parmi les Algériens, les invitant à l'action armée. Le second était un appel du Front de libération nationale et se composait de deux pages. Le but de la diffusion de la déclaration du 1er novembre était de mobiliser les masses populaires algériennes pour rassembler les énergies nationales, les groupes sociaux et les partis politiques autour de la révolution, ayant ainsi ces masses du côté des révolutionnaires.
2.2. La propagande par la communication personnelle orale :
Tous les militants à travers le territoire national ont commencé à poursuivre une autre stratégie visant à mobiliser l'opinion publique algérienne par des contacts oraux et personnels.
Afin d'atteindre cet objectif, des régiments ont été amenés à se déplacer d'un endroit à un autre, en passant par des tribus et des petits villages. C'est là qu'a commencé la première opération de communication avec les habitants des régions, visant à expliquer les objectifs du combat armé, et la nécessité de rejoindre les rangs de l'Armée de Libération Nationale, en plus d'induire le soutien des révolutionnaires en se tenant à leurs côtés et en les approvisionnant avec de la nourriture, des vêtements, des médicaments et des munitions, ainsi que d’éliminer les espions et les traîtres, en ajoutant à cela la collecte des nouvelles.
2.3. Les lettres :
Les courriers écrits vont de pair avec les courriers et les médias oraux. Par ce biais, le Front envoyait de nombreux courriers personnels, notamment ceux adressés aux :
Collaborateurs avec l'ennemi pour les avertir du danger que cela représente pour les personnes et leur vie, et parfois les informer des sanctions les concernant et du moment où elles vont être exécutées.
Centenaires : Leur demander de ne pas attaquer les militants de la révolution ainsi que de l’aide financière, et s'ils ne suivent pas les consignes, ils seront traités de traîtres, et seront condamnés par les tribunaux de la révolution.
2.4.La diffusion de bulletins :
Lorsque la révolution a commencé, le Front de Libération National n'était pas en mesure de publier son propre journal, étant donné que la presse écrite avait certaines conditions de base, comme l'imprimerie, le papier et le réseau de distribution, mais la révolution a quand même fait face à ce problème en donnant la chance aux différentes provinces de publier leurs journaux et bulletins d'information, ils ont donc publié :
Première région : Al-Watan (Le Pays)
Deuxième région : Al-Jabal (La Montagne)
Troisième région : Al-Nahda (La Révolution)
Quatrième région : Harb Al Isabat (La Guerre des Gangs)
Cinquième région : Sada Al-Titteri (L’écho du Titteri)
2.5. La Publication de journaux :
A partir de 1955, le Front de la Liberté Nationale décide de publier des journaux au nom de la révolution, un en France, le deuxième à Tétouan au Maroc, et le troisième en Tunisie. Les trois portaient le même nom « La révolution algérienne ». Ils furent imprimés en langues arabe et française, puis un quatrième journal sortit dans la ville d'Alger en juin 1956, il était en arabe et en français, et s'appelait « Al-Moudjahid ».
En 1957, les dirigeants de la révolution algérienne décident d'uniformiser la presse révolutionnaire et de lui donner un peu de force. Ils ont alors rassemblé leurs efforts médiatiques dans un seul journal, et ont décidé de suspendre la publication du journal « Révolution algérienne » avec toutes ses éditions, et reprendre « Al-Moudjahid » en tant qu'hebdomadaire de 8 à 16 pages. La première série est parue à Tétouan, et à partir d'octobre 1957, elle a commencé à être publiée en Tunisie et a duré jusqu'à l'indépendance.
La section médias du journal « Al-Moudjahid » avait comme objectifs de :
Défendre et exprimer la pensée du Front de Libération Nationale.
Œuvrer pour l'internationalisation de l'affaire algérienne.
Dévoiler les tactiques et propagandes ennemies devant l'opinion publique locale et internationale.
Par ailleurs, les organismes publics publiaient leurs journaux, tels que : « Al Amil Al Jazairi » (Le Travailleur Algérien) destiné au employés et « Chabab Al Djazairi » (Les Jeunes Algériens) destiné aux jeunes. Le ministère des Médias avait également publié pendant le gouvernement intérimaire "Le Bulletin Politique", en plus du journal "Al Moudjahid" qui était considéré comme l'orateur central du FLN.
2.6. Média audio :
La radio a eu un rôle important dans l’agitation des sentiments et la mobilisation de masse à travers "La Radio d’Al-Djazair Horra Mokafiha " (L’Algérie Libre et Combattante) à partir de 1956, et "Saout Al-Djazair" (La Voix de l’Algérie) diffusée à partir des radios de Tunisie, du Maroc, du Caire, de Damas depuis le mi 1955, et de presque tous les pays arabes.
2.6.1. Radio Saout Al-Arab (La Voix des Arabes) au Caire :
La radio Saout Al-Arab a été la première radio à annoncer la naissance du Front de Libération Nationale et a prôné l'adhésion aux rangs des combattants.
Par ailleurs, le 1er novembre 1954 à 18h00, la Radio déclarait ceci : "Le grand combat pour la liberté, l'arabe, et l'islam a commencé aujourd'hui en Algérie, et à 1h00 du matin le cinquième jour de Rabi Al-Awal 1374 AH qui correspond au mois de novembre Le 1er 1954, l'Algérie a commencé à vivre une vie décente. Aujourd'hui, une puissante élite d'enfants libres d'Algérie a déclaré la rébellion pour la liberté algérienne contre l'impérialisme français oppressif en Afrique du Nord ». Ensuite, une vue d'ensemble avait été donnée sur les événements en fonction de ce que « Boudiaf » fournissait.
2.6.2. Radio « Al-Djazair Horra Mokafiha » (L’Algérie Libre et Combattante)
Elle a été créée le 16 décembre 1956, et à cette occasion, des tracts ont été distribués pour informer les gens sur la création d'une radio nationale algérienne au centre de l'Algérie. Les heures d'écoute étaient fixes, ainsi que la longueur des fréquences à travers son diffusion géographiquement indéfinie.
Cette radio révolutionnaire était secrète et se déplaçait à travers les frontières marocaines, pour éviter d'être exposée par les moyens de surveillance français. Elle disposait d’un camion qui contenait un dispositif de transmission spécialement conçu pour les besoins militaires en plus d’un microphone, un enregistreur, un lecteur de disques et un générateur. En septembre 1957, elle a été suspendue, puis reprise le 12 juillet 1959.
Cette radio travaillait constamment à travers ses programmes qui commençaient par l'expression suivante : « La radio Al-Djazair Horra Mokafiha la voix du font et de l’armée de libération nationale vous parle depuis le centre même de l'Algérie » pour atteindre les objectifs suivants :
Remonter le moral des soldats de l'Armée de libération nationale et les motiver à affronter fermement l'ennemi.
Elle a su réunir les algériens, les rendre solidaires et croyant en la victoire.
Il a joué un rôle fondamental dans le recrutement d'un grand nombre d'Algériens pour soutenir leur révolution et la soutenir financièrement et humainement pour éliminer le colonialisme.
Diffuser les communiqués de la révolution dans toute l'Algérie et définir les victoires de l'Armée de Libération Nationale et les promouvoir auprès de l'opinion publique nationale et internationale.
Faire entendre la voix du peuple algérien auprès de l'opinion publique internationale en général et de l'opinion arabe en particulier, mobiliser ses sentiments et le convaincre de la justesse de la cause algérienne. Par conséquent, les nombre des amis de la révolution s’est élargi.
Dénoncer les opérations criminelles inhumaines pratiquées par le colonialisme français contre des personnes sans défense.
2.7. Communication diplomatique :
La diplomatie algérienne a eu un rôle fondamental dans l'internationalisation de la question algérienne dans les instances internationales. Ses officiers ont joué un rôle majeur au niveau régional et international dans l'explication de leur cause et la dénonciation de la politique coloniale de la France ainsi que dans la sensibilisation de l'opinion publique internationale sur ce sujet. La diplomatie algérienne a utilisé plusieurs méthodes pour parvenir à ses fins, notamment :
L’organisation de conférences.
L’organisation d'expositions.
L’envoi de délégations artistiques et sportives en tournées à travers le monde pour faire découvrir la cause algérienne.
La participation de l'Algérie à des conférences internationales, comme la Conférence de Bandung en 1955 pour les pays afro-asiatiques, où les délégués ont montré leur soutien absolu à la révolution algérienne. En plus de la conférence d'amitié entre les peuples africains et asiatiques, et la conférence des peuples africains, ainsi que l'Entité des Nations Unies qui a été désignée comme plate-forme pour sa politique extérieure.
2.8. Bureaux des médias externes :
Les bureaux de presse externes du Front de libération nationale ont joué un rôle efficace pour faire entendre la voix de la révolution. Ceci fut le cas du bureau du Caire qui est le premier bureau de presse ouvert par le Front en 1955, pour ensuite ouvrir d'autres bureaux dans d'autres pays arabes, tels que : Damas, Beyrouth, et Oman. Par ailleurs, la Tunisie et le Maroc ont ouvert des bureaux justes après leur indépendance en 1956.
En mars 1956, le Front a ouvert son bureau de presse à New-York qui a contribué à donner un élan à la révolution algérienne. Il était très important car proche du siège des Nations Unies. En avril et mai 1956, de nouveaux bureaux des médias ont été ouverts à Jakarta, New Delhi, et Karachi. Entre-temps, en 1957, le Front a ouvert de nouveaux bureaux dans les capitales des pays socialistes, comme Prague, Moscou, Pékin, Belgrade, et même en Amérique latine comme le Brésil, et l'Argentine, tandis qu’il n'a commencé son activité médiatique en Europe qu'au début de 1958 en ouvrant des bureaux à Londres, Stockholm, Rome, Bonn et Genève. D’un autre côté, l’activité publicitaire en l'Afrique a elle aussi débuté en 1958 en ouvrant des bureaux à Accra, Conakry et Bamako, et en envoyant des délégations publicitaires au Kenya et en Ouganda.