La résistance D'Ameri Oasis
1. Introduction :
Les raisons de cette résistance ne sont pas différentes de celles des autres résistances car elles sont toutes liées à la politique coloniale appliquée en Algérie sur toutes les tribus. Ainsi, les habitants de l’Oasis d’El Amiri à Biskra ont été influencés par les événements de la résistance populaire, à commencer par l'émir Abdelkader et Hadj Ahmed Bey.
2. La raison de la résistance des habitants de l'Oasis d'El Amiri :
Comme à l’accoutumée, les autorités coloniales ont utilisé des stratégies infernales qui distinguaient leur politique comme leur tentative de créer un conflit durable entre les tribus influentes. Le peuple sahraoui considérait les Français comme des mécréants, et estimait qu'il était de son devoir de les combattre et de les expulser de leur pays ; de là se détachait un facteur religieux comme raison essentielle du déclenchement de leur révolution ; surtout que l'homme religieux Ahmed Ben Aiche incitait au Jihad contre les Français.
Quant à la raison sociale, elle remonte en premier lieu à la politique française consistant à détruire l'unité des tribus en les retournant les unes contre les autres, en particulier les plus influentes. La région a été témoin de la domination du chef Boulakhras Bengana sur les citoyens de la région. En effet, la France l'a soutenu par tous les moyens pour étendre son contrôle sur les régions sahariennes. Cependant, il a rencontré Ouled Bouzid de l’Oasis d’El Amiri, qui a joué un rôle important dans la confrontation avec l'ennemi et ses partisans des Bengana.
Ajoutant à cela, la raison économique consistait en l'augmentation des impôts émis par l'administration coloniale qui confiait la mission de les percevoir au Caïd Boulakhras ; qui dirigeait les citoyens et les traitait avec une grossièreté sans pareille, ce qui les poussait à se regrouper autour de Yahia Ben Mohamed et de Cheikh Ahmed Ben Aiche.
3. Les phases de la résistance de l’Oasis d’El Amiri :
Cette résistance populaire est passée par les étapes suivantes :
A. La première phase : Le début de la résistance :
L'arrogance de caïd Boulakhras s'est accrue, ce qui a attisé le feu de la révolution et son déclenchement, d'autant plus que Cheikh Mohamed Yahia Ben Mohamed a refusé d'obéir à ses ordres lorsqu'il l'a appelé à sa résidence de Biskra ; parce qu'il avait peur de subir le même sort que son frère le juge Messaoud qui a été assassiné par Boulakhras. Les tribus de Bouazid n'ont, elles non plus, pas accepté l'ordre de Boulakhras en raison de leur désaccord persistant et de sa tentative d'arrêter Cheikh Mohamed Yahia Ben Mohamed. Il avait même assuré au gouverneur qu'il devait l'arrêter dans la grange d'El-Oued, a émis un ordre écrit le 29 novembre 1875, mais son objectif n'a pas été atteint.
Cheikh Mohamed Yahia Ben Mohamed a finalement été convaincu de se rendre à Biskra et à rencontrer le caïd Boulakhras sans être arrêté par le gouverneur Gueuliez. De retour à Ouled Bouzid, il les a convaincus de la nécessité d'annoncer la révolution et de lâcher prise sur leurs différences marginales. A l'oasis, il trouva en Cheikh Ben Aiche la force morale qui lui permit de recruter les habitants et de déclarer le Jihad contre les Français. De là, ils ont allumé le feu de la révolution dans l'Oasis d'El Amiri et les régions voisines.
B. La deuxième phase : la réaction française à cette résistance :
Le gouverneur de Biskra était au courant de cette révolution et qui s'en tenait derrière ; c'est alors qu'il a compris la nécessité de redresser la situation avant que la révolution ne s'installe dans ces régions sahariennes. La stratégie coloniale consistait à séparer les rangs par l'intrigue et à diviser les Bouazid en leur envoyant un messager pour leur dire que Cheikh Mohamed Yahia et Ben Aiche travaillaient à détruire leurs tribus avec leurs idées subversives.
C. La troisième phase : le lancement de la résistance
Les Bouazid trouvèrent l'opportunité d'être seuls avec le général Cartesier et ses accompagnateurs, qui préparaient leur sortie de Biskra le 8 mars en direction de Touggourt. Une fois arrivés à l'oasis de Merayer le 11 mars, ils pensèrent à l'attaquer secrètement et à l'éliminer, mais il réalisa leur intention, alors il s'enfuit avec ses chevaliers. A partir de cet incident, les Français se sont rendu compte que la révolution des Bouazid avait éclaté, surtout après que le caïd Boulakhras eut confirmé aux autorités françaises la validité des informations circulant dans la région sur la révolution de Bouazid qui a eu lieu le 19 mars 1876.
Le chef de la révolution Mohamed Yahia Ben Mohamed et Cheikh Ahmed Ben Aiche ont été obligés d'organiser les rangs et de contacter les chefs de tribu pour gagner des partisans ; ils ont réussi à rassembler bon nombre d'individus influents de la région saharienne, notamment Cheikh Ben Dah, Cheikh des tribus Djebabra, Cheikh Mabrouk Brika, Cheikh des Ouled Daoud, Cheikh Mohamed Belhadj Ben Salem, Cheikh Ali Ben Riche cheikh de la zaouia de Metlili de Chaabna. Le but du rassemblement des moudjahidines était d'éradiquer l'ennemi français et les caïds notamment ceux de Bengana, qui accablaient les citoyens de la région saharienne de leurs impôts coûteux.
D. La dernière phase :
Au début de cette étape, les autorités coloniales ont tenté de gagner la confiance de Cheikh Mohamed Yahia Ben Mohamed puis l'attirer à Biskra pour l'assassiner. Cependant, il était habitué aux ruses des français, il a donc refusé toutes leurs invitations. A la même époque, la préparation de la révolution battait son plein. L'officier Lefroid a tenté de calmer la colère des rebelles par une visite dans la région, mais il a échoué en raison de leur détermination à entamer le jihad. Il a été contraint de retourner à Biskra sous la garde militaire des caïds Elhadj Bengana et Mohamed Seghir Bengana. Lorsque la nouvelle de la révolution se répandit, le général Cartesier se rendit à Biskra pour préparer ses forces. Au même moment, Cheikh Mohamed Yahia Ben Mohamed rassemblait des armes et des moudjahidines de son côté. Son camarade Ben Aiche a hissé le drapeau vert comme symbole du Jihad sacré et a encouragé la population dans les marchés et les oasis à prendre les armes contre les mécréants et leurs partisans, dont la famille Bengana. Cheikh Ben Aiche rassembla de nombreux habitants de la région voisine à l'oasis d’El Amiri.
Le 11 avril 1876, la vraie bataille a commencé par un affrontement décisif entre les 2100 moudjahidines algériens et les forces coloniales dirigées par le général Cartesier, les environs de l'oasis d'El Amiri ont été le théâtre d'affrontements acharnés. Au moment où l'armée française recevait le soutien militaire de différentes régions et tribus pro-coloniales ; les moudjahidines se sont retrouvés sans aucun soutien extérieur et ne s'appuyaient que sur l'administration. Cette bataille était inégale et les français avaient l'avantage, ce qui s'est soldé par le martyre du chef de la révolution Mohamed Yahia Ben Mohamed ainsi que 50 autres martyrs. Cheikh Ahmed Ben Aiche a été blessé, comme de nombreux soldats français et leurs aides tel le caïd de Biskra Mohamed Seghir Bengana.
Le martyre de Mohamed Yahia n'a pas affecté le moral des moudjahidines pour continuer la révolution. Ils se sont barricadés dans l'oasis et ont organisé leurs rangs, menés par Ben Aiche, qui a contacté des habitants à l'extérieur de l'oasis pour les soutenir. Il était difficile pour le commandant de l'armée française de pénétrer dans l'oasis en raison de la force de ses hommes et de leur résistance violente face aux soldats, il a donc tenté de bloquer l'oasis de tous côtés et de couper l'approvisionnement des moudjahidines à l'intérieur.
Devant l'aggravation de la situation à l'intérieur de l'oasis d'El Amiri, le général Cartesier a profité de l'occasion avec ses associés algériens et l'a attaqué le 27 avril 1876, utilisant des missiles d'artillerie qui ont détruit les maisons dans l'oasis. Certains moudjahidines n'ont trouvé d'autre issue devant le feu de l'ennemi français que de se rendre.
4. Les résultats de la résistance de l'Oasis d'El Amiri :
Cette révolution s'est répercutée négativement et positivement sur la population ; bien que ses aspects négatifs aient été plus que les positifs, elle a reflété une fois de plus le rejet par le peuple algérien de la présence coloniale française dans le désert comme au nord, à l'est, et à l'ouest.
Les points positifs de cette révolution sont qu'elle a prouvé aux autorités coloniales que la conscience algérienne est toujours vivante et que le lien spirituel est un élément central de l’union algérienne. Elle a également confirmé que toute résistance populaire reposait sur le rejet du contrôle étranger et l’éradication de ses collaborateurs traîtres.
Toutefois, des répercussions graves ont touché l'Oasis et ses habitants au même titre que l'Oasis de Zaatcha sous la direction de son chef, Cheikh Bouziane. Ces répercussions comprennent :
- L'oasis a été complètement détruite par la démolition de maisons, l'incendie d'arbres et l'abattage de palmiers.
- Confiscation des biens appartenant aux habitants de l’oasis et leur remise aux Français et aux traîtres.
- L'arrestation de certains moudjahidines dont 91 moudjahidines de la tribu Bouazid, et leur soumission aux tribunaux militaires.
- La condamnation à mort de Cheikh Ahmed Ben Aiche, qui n'a finalement pas été exécutée mais plutôt modifiée par l'exil.
- L’imposition d’une amende de plus de 192200 francs.
- La confiscation des armes des habitants de l’oasis, dont 492 fusils.
- Le déplacement d'Ouled Bouzid (Les Bouazid) vers des zones à l'intérieur et à l'extérieur du pays.
- L'imposition généralisée d'une amende à tous les habitants des zones qui ont soutenu la révolution à Ziban.
- L’obligation de la population à se livrer au travail forcé dont la construction de routes, notamment la route entre Batna et Biskra.
- La dépossession des Bouazid de tous leurs biens.