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L'Algérie pendant la Première Guerre mondiale

Premièrement : Conscription obligatoire des Algériens 1907 - 1919

Le colonialisme qui a caractérisé la politique française au cours des XIXe et XXe siècles a créé pour les dirigeants de l'Empire français le besoin d'une force militaire pour accomplir les tâches requises par les aventures coloniales à l'intérieur et à l'extérieur de l'Afrique. Les premières discussions ont émergé à propos de divers projets nécessitant l'exploitation de ressources humaines détenues par les colonies, en particulier l'Algérie et ses richesses. L'Algérie a servi de réservoir humain, écologique et économique pour la France.

  1. Conscription des Algériens

Les modalités de conscription n'étaient pas obligatoires au début, mais reposaient sur le volontariat en échange d’une somme modique, mais qui étaient tentantes pour les jeunes Algériens privés de sources et de moyens de subsistance. Les algériens ont contribué à plusieurs guerres coloniales françaises, telles que la guerre de Crimée de 1854, la campagne du Mexique de 1860 et la guerre franco-prussienne de 1870, la conquête française de la Tunisie de 1881, la campagne de Madagascar de 1889 à 1900. Avec l'apparition de signes de la crise marocaine au début du XXe siècle et les préparatifs européens de la guerre interne, la nécessité pour la France de renforcer sa force militaire en recourant à la conscription forcée de la jeunesse algérienne s'est accrue, malgré l'opposition de algériens et des centenaires. Le gouvernement français a donc mis en place une commission chargée d'étudier la possibilité d'un service militaire obligatoire pour les Algériens en 1907, dont les résultats sont reflétés dans le décret du 17 juillet 1908 qui stipulait le recensement des jeunes algériens âgés de 18 ans.

Cependant, la question est restée sans concrétisation en raison de la forte opposition des colons, qui voyaient dans le projet un danger pour la présence coloniale, et de l'opposition des Algériens aux considérations politiques et religieuses. Malgré tout, le climat politique international tendu a été précipité par la promulgation du décret du 3 février 1912 portant sur la conscription des Algériens pour trois ans, tout en restant dans les équipes de réserve pendant sept ans après la fin du service. Ce dernier est venu en complément à l'enrôlement volontaire, qui n'a pas donné de résultats significatifs, puis le décret du 19 septembre 1913 sur les peines de la loi sur l'enrôlement obligatoire a été promulgué.

Le processus de conscription militaire obligatoire s'est élargi pendant les années de guerre pour inclure des milliers de jeunes recrutés comme travailleurs permanents pour servir l'économie française et soutenir l'effort de guerre. La France a pu surmonter la tragédie de la Première Guerre mondiale grâce aux sacrifices de dizaines de milliers de jeunes Algériens pour la libérer de l'occupation allemande. Bien que les statistiques varient d'une source à l'autre et d'un camp à l'autre, elles soutiennent que la proportion d'Algériens tués dans la Grande Guerre était de 30 % du total des recrues entre 1914 et 1918, tandis que le nombre de blessés équivalait à 50 % des recrues algériennes, qui comptaient 5600 personnes.

2- Position de l‘Elite Algérienne

Le Mouvement National Algérien s’est opposé au décret de 1912 et a fait campagne contre la conscription dans ses journaux et ses clubs, exhortant même les Algériens à ne pas se conformer aux ordres de l'administration coloniale et à fuir leurs foyers. La jeunesse algérienne a répondu aux appels du Mouvement National, avec la présence de 25 jeunes sur 144 inscrits à la caserne de Batna, tandis que 159 sur 160 inscrits à Nedrouma se sont abstenus de rejoindre la caserne. Néanmoins, les autorités coloniales étaient déterminées à appliquer la loi pleinement et immédiatement après le déclenchement de la Première Guerre mondiale. Elle a pu recruter quelque 4 000 jeunes Algériens fin août 1914 et a œuvré pour leur donner une formation militaire initiale avant de s'engager dans une guerre qui ne les concernait nullement. Par ailleurs, le mouvement de l'émir Khaled exigeait des réformes inclusives dans tous les domaines qui élèveraient et modifieraient les situations misérables dans lesquelles vivaient les Algériens, en plus d'une meilleure représentation dans différents contextes et de l'abolition des lois spéciales.

En plus de l'attitude du mouvement politique, la résistance à la conscription pendant la Première Guerre mondiale s’est caractérisée par la migration des Algériens vers le pays arabe, de plus de nombreux soulèvements et diverses résistances à travers tout le pays, comme la résistance des Aurès en 1916.

3- Position des Français :

Malgré le silence de la presse coloniale et le refus des historiens français de souligner les sacrifices des Algériens pour sauver la France et son peuple, certaines voix en France ont insisté sur la nécessité d'offrir des récompenses politiques et sociales limitées aux Algériens.

Cependant, comme à son habitude, la France coloniale n’a répondu que partiellement aux revendications des Algériens. Cela s’est traduit par les réformes du 24 février 1919 qui n'étaient pas à la hauteur des aspirations des Algériens qui furent profondément déçus de ce qu'elles leur firent comprendre que le régime colonial français ne leur donnerait pas leurs droits, peu importe combien ils sacrifient. Les souffrances du peuple algérien pendant la Grande Guerre, et la position de la France sur ses revendications après 1919, ont été la principale raison de l'émergence précoce du courant indépendantiste révolutionnaire au sein du Mouvement National Algérien représenté par l’Emir Khaled dans sa pétition aux États-Unis adressée au Président Wilson dans lequel il a exigé que le principe de l'autodétermination soit appliqué aux Algériens.

L'effort de guerre algérien pendant la Première Guerre mondiale 1914-1918

La Première Guerre mondiale éclatait alors que l'Algérie se trouvait dans une situation difficile. Les Algériens sont devenus des boucliers humains avec lesquels la France affrontait attaques allemandes, d'autant plus qu'elle se plaignait de pénuries démographiques depuis le début du XXe siècle. En conséquence, la France s'est empressée de recruter près d'un tiers de million de jeunes Algériens et de les envoyer défendre ses terres et travailler dans ses industries et ses champs. L'effort de guerre de l'Algérie n'a pas seulement été humain, mais a également souffert dans le domaine économique, sapant la société et l'érodant davantage.

  1. L'effort économique des Algériens pendant la Première Guerre mondiale

Dans le domaine agricole, l'Algérie a contribué de manière significative à l'approvisionnement de la France pendant la Première Guerre mondiale, malgré la détérioration de sa production agricole de par plusieurs facteurs naturels, politiques et humains. Les céréales constituaient la première catégorie d'exportations agricoles, l'Algérie envoyant environ 8 314 000 quintaux de blé vers la France entre 1914 et 1916, tandis que les exportations d'orge au cours de la même période s'élevaient à environ 12 770 617 quintaux.

Les exportations comprenaient plusieurs cultures agricoles, telles que les tomates, la pomme de terre et les œufs, qui étaient destinées à approvisionner les hôpitaux qui recevaient les blessés de guerre en France. De plus, 120 000 quintaux de tabac ont été expédiés en France en 1917, alors que les exportations de tabac n'avaient atteint que 80 000 quintaux avant 1914. Comme la France avait besoin d’alliés, elle a envoyé plus d'un demi-million de quintaux de produits algériens entre 1914 et 1918. Les huiles ont également été exportées à 27 730 quintaux en 1917. Même les dattes algériennes ont été incluses dans la liste des articles nécessaires pour approvisionner les exportations françaises, leurs quantités ont atteint 294 736 quintaux en 1917.

Le bétail s'est classé comme le deuxième produit d'exportation le plus important pendant la guerre, les statistiques officielles indiquent que les exportations de moutons s’élevaient à 2839206 têtes en 1915 et 1918. Cela a eu un impact négatif sur les prix de la viande algérienne, qui ont fortement augmenté et sont devenus moins abordables pour les Algériens, quel que soit leur statut social. Les matériaux miniers, à leur tour, ont connu une augmentation significative de la production orientée vers l'exportation pour répondre aux besoins des usines de guerre françaises. La production de plomb a augmenté de 100 % entre 1915 et 1916 et s'est poursuivie au même rythme en 1917. Le zinc et le phosphate ont doublé entre 1915 et 1916, et la production de charbon a augmenté de 300 % entre 1917 et 1918.

  1. L'effort financier des Algériens pendant la Première Guerre mondiale

L'effort de guerre des Algériens pendant la Première Guerre mondiale 1914-1918 ne s’est pas limité à l'aspect humain et économique, mais a inclus l'effort financier. Les hommes politiques français eux-mêmes ont reconnu, à travers les rapports à leur gouvernement pendant la guerre, que les Algériens souffraient d'une grande pauvreté et étaient privés des produits de première nécessité. Cependant, de nombreuses taxes leur ont été imposées jusqu'à ce que beaucoup d'entre eux vendent leurs biens et meubles restants pour payer leurs impôts de guerre. Les Français n'ont pas tenu compte des conditions et de la pauvreté des habitants. Les recettes fiscales directes et indirectes perçues par l'administration française dépassaient 50 millions de francs par an entre 1913 et 1919. 

En conclusion, les sacrifices consentis contre les Algériens dans le cadre de l'effort de guerre ont dépassé toutes les perceptions avec la reconnaissance des historiens français. L'une des conséquences a été que la société algérienne se détériore en matière de conditions de vie et de santé. Affamés par la sécheresse, les prix élevés, la rareté des matières agricoles et la perte d'une grande partie de la jeune main-d'œuvre que la France recrutait pour protéger son sol et son peuple. Cette phase douloureuse de l'histoire du peuple algérien a eu un impact profond sur le développement de la conscience nationale et sur la détermination du cours de la lutte politique d'après-guerre.